Et voila un petit bilan pour la première vague d’étudiants sur l’ascension du Mont Blanc. Nous espérons que ce projet vous inspirera et vous motivera pour l’année prochaine.

Cette année, le projet Mont Blanc 2017/2018 a intégré un étudiant en kinésithérapie, Guillaume DEGENEVE, qui a un handicap visuel très important car il est quasiment non voyant. En s’inscrivant dans ce projet ambitieux il a demandé à son ancien professeur d’escalade au SUAPS Pierre Mailly (également guide de haute-montagne) de l’accompagner sur l’ensemble du projet. Après de longues semaines de réflexion c’est Lois Martin étudiant kiné de la même promotion que Guillaume qui a déclenché auprès de l’enseignant l’acceptation ce défi conséquent en terme d’investissement physique et psychologique en se proposant d’être le soutien indispensable tout au long de l’année de la préparation et ce jusqu’à la réalisation finale.

Nous avons donc mis au point un programme d’entrainement (préalablement aux ascensions du Grand paradis et du Mont Blanc) qui a duré une huitaine de jours en différentes parties afin de préparer techniquement la cordée et surtout de donner à Guillaume toutes les chances de réussite par un guidage adéquat en toutes circonstances. En effet la difficulté réside essentiellement à donner à Guillaume les bonnes informations notamment par rapport aux nombreuses irrégularités rocheuses ou glaciaires. Par conséquent ces week-end de préparation ont permis de solidifier les bases techniques de cramponnage et de marche en terrain varié afin d’assurer une bonne efficacité de guidage grâce à une complémentarité entre Lois et Pierre.

Ainsi nous avons élaboré plusieurs codes gestuels et oraux pour proposer à Guillaume une anticipation des obstacles ou des variations du terrain neigeux glaciaire ou rocheux. Nous avons également utilisé un bâton de guidage en fonction des caractéristiques du terrain.

En fait sur le plan technique Guillaume et Lois ont été rapidement aptes à faire l’ascension du Mont Blanc. Il ne manquait plus à la cordée qu’un entrainement sur la durée et en altitude. Aussi nous avons gravi une semaine avant l’ascension finale le Grand Paradis (4000m) beau sommet du val d’Aoste comportant un dénivelé significatif (700 m positif le premier jour et 3500 m le deuxième jour dont 1400 m positif) et une acclimatation certes un peu juste mais déjà intéressante. Aussi nous sommes arrivés correctement préparés pour l’assaut du Mont Blanc qui s’est déroulé ainsi :
Première journée pour aller de Bellevue (1850 m) au refuge de Tête Rousse à 3170 m. En fait nous devions partir initialement de 2400 m mais la marche d’approche s’en est trouvée allongée du fait de travaux sur la ligne du train du mont Blanc. Quant à nos camarades ils devaient dormir initialement à 2400 m au refuge du nid d’aigle mais au final toute l’équipe a pu se retrouver joyeusement au refuge de tête rousse ( 3170m) pour le diner et une nuit sous des tentes prêtées par les gardiens du refuge en raison d’un manque de place.

Nuit courte et ascension de l’aiguille du Goûter en terrain mixte (neige glace et rocher mélangés) aux premières lueurs du jour (ce qui rendait le fameux couloir nettement moins dangereux) pour atteindre sommet de l’aiguille du Goûter et son refuge où nous avons fait une bonne pause avant de continuer vers le Mont Blanc. Nous atteignons en fin d’après-midi les 4810 m du sommet mythique par un vent parfois fort et par une trace très compliquée pour Guillaume dans les passages pentus au-dessus de 4200 m. L’arrivée seuls au sommet ne fut sans doute pas un moment de grand plaisir mais fût intense sur le plan émotionnel et nous avons décidé de redescendre rapidement car la descente s’annonçait difficile sur les premières centaines de mètres de dénivelé en raison de ce vent qui oscillait entre 50 et 70 km/h.
Nous sommes arrivés à 20 h au refuge du goûter et avons passé une deuxième nuit avec le reste du groupe.

Le lendemain fut une journée très difficile car la descente de l’aiguille du goûter est vraiment très compliquée et beaucoup plus lente pour un non voyant. Aussi nous avons été exposés aux chutes de pierres notamment dans le tristement célèbre couloir du goûter. Heureusement aucun incident ne fût à déplorer et nous pûmes rejoindre le reste du groupe près du refuge de tête rousse une trentaine d’heures après le passage à la montée.

Au final nous avons presque couru pour ne pas rater le train du mont blanc à 2000 m d’altitude puis le groupe s’est réuni au sommet du téléphérique de Bellevue…..Donc 3000 m de dénivelé positif à la montée et quasiment autant à la descente !
Un débriefing global avec les autres guides s’est fait dans une ambiance chaleureuse sur le parking et chacun est reparti avec la fatigue et des souvenirs exceptionnels.

En Bonus, une petite interview de Guillaume DEGENEVE:

Quel a été ton ressenti au sommet?
Difficile à dire, arrivé en haut je suis hyper content surtout que juste avant c’était vraiment dur pour moi. Les 200 derniers mètres ont été très compliqués : un passage dur avec un vent assez froid, une trace peu évidente. Et après ce passage j’ai eu du mal à récupérer (fatigue plus grande, altitude plus élevée). Bref au sommet j’étais claqué et quand on est arrivé je n’ai pas tout de suite compris surtout que le sommet n’est pas représenté par quelque chose. Donc très content d’être en haut mais déjà concentré sur les 1000 mètres de dénivelés qui fallaient redescendre sans se faire mal. De ce fait je n’ai pas beaucoup profité de ce moment surtout que le temps passe vite et qu’on ne voulait pas trop s’attarder à cause du froid, de l’heure déjà tardive, de la fatigue.
Avec le recul le sommet était vraiment appréciable mais ce moment est passé très rapidement.

Quel est ton meilleur souvenir ?
Je n’ai pas un seul souvenir, il y en a pleins. Avant l’ascension pendant les weekends de préparation avec Pierre et Loïs, toutes les arrivés : l’arrivée en haut du grand paradis mon premier sommet à plus de 4 000 mètres, l’arrivée au refuge Tête Rousse même si j’avais peu de doute pour atteindre ce refuge. L’arrivée au sommet est un très bon souvenir, arrivé au refuge du goûter à la redescente, c’était super sympa en plus les autres cordées nous attendaient et ils avaient l’air vraiment contents. Enfin, l’arrivée au train et le lendemain en repensant à tout ça.

Et ta plus grande galère?
Toutes les descentes mais surtout l’aiguille du goûter : passage très vertigineux avec des pierres qui roulent, un sentier assez difficile. De plus, le guidage est très difficile car il y aurait trop d’informations à me donner. De plus, il y a le croisement avec les autres cordées (celles qui montent et celles qui descendent) et cela compliquent la tâche. Et pour moi c’est assez frustrant de se faire doubler en descente, d’être aussi lent mais la prudence et la sécurité m’imposait ce rythme.

Dans cette descente du goûter, la tension a augmenté à cause de tout cela mais aussi à cause de la dangerosité du risque de pierre qui existe.

Une autre galère a été de se dépêcher pour rattraper le train car j’avais mal aux pieds, aux genoux, j’étais épuisé ; par chance on a réussi à avoir le train.

As-tu eu des doutes ?
J‘ai toujours eu des doutes. Après le grand paradis, je savais que je pouvais au moins atteindre les 4 000 mètres, pour la suite j’étais plus ou moins sûr de mon acquisition de la technique enseignée par Pierre, ainsi que de mon physique.

En revanche, il est vrai que lorsqu’on faisait l’ascension de l’aiguille du goûter je me disais que la descente serait très difficile et très rude.

 

Et quelques photos souvenir :