Départ : 26 juin 2015

Depuis un an, nous nous préparons : réunions, recherche de subventions, entrainements physiques… Un temps considérable consacré au projet, et enfin, nous y sommes !

Comme pour les précédents évènements du projet (Cascade de glace et Ascension du Grand Paradis) nous nous retrouvons sur le parking du SIUAPS. Chacun arrive, nous sommes tous très excités à l’idée de partir enfin !

Nous dormirons chez Laura à Bonneville, ainsi nous n’aurons qu’une demi-heure de route pour retrouver les guides samedi matin. Nous quittons Lyon à 17h45. Nous qui partons en montagne, loin des foules et de la civilisation, notre ardeur est aussitôt ralentie par des bouchons! Mais bien vite nous quittons le périph et pouvons rouler à 130 km/h.

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Sur le periph en direction du Mont Blanc

 

Arrivés chez Laura, nous montons les tentes, allumons le barbecue et nous mettons à table. Le diner est ponctué d’anecdotes de montagne, d’histoires lues ou entendues à propos du Mont Blanc, de nos craintes et de nos envies sur les deux jours à venir : Mal des montagnes ? Hypoxie ? Kylian Jornet ? La nuit au refuge ? …

Nous allons nous coucher vers 22h. Demain nous devons être en forme et le lever est à 6h !

Jour J : 27 juin 2015

6h, le réveil sonne. C’est le grand jour. Je mets un bon moment à sortir de ma tente, comme dans un rêve, j’ai besoin de temps pour réaliser que nous y sommes vraiment. Je savoure cet instant tant attendu.

Chacun émerge doucement, mais très vite, nous sommes tous au petit déjeuner. Laura est revenue de la boulangerie avec le pain frais et nous festoyons dans une ambiance étrange : mal réveillés mais surexcités…

Puis nous plions les tentes, chargeons la voiture et partons pour St Gervais. Nous devons retrouver les guides sur le parking du Tramway du Mont Blanc. Après un léger détour par la gare du Fayet, nous y sommes !

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Retrouvaille avec les guides

Les sacs sont faits, nos guides vérifient le matériel une dernière fois, et nous prenons le tramway.

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Tramway direction l’ascension du Mont Blanc

Nous passons une heure à regarder le paysage, discuter avec les guides qui nous désignent les différents sommets, nous expliquent la formation des séracs, le tout ponctué de souvenirs et témoignages… Nous buvons leurs paroles !

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Arrivée au Nid d’aigle. Enfin 🙂

Le temps de faire une photo de groupe et nous nous mettons en route : nous sommes nombreux à tenter l’ascension ce week-end car la météo est idéale, aussi le chemin est-il bondé d’alpinistes ! L’ambiance est indescriptible, je dois dire que je suis tellement content de partir que je doute d’être objectif… Mais nous sommes au pied du Mont Blanc et rien n’entamera mon enthousiasme.

La montée commence dans un décor sublime, nous sommes déjà à 2 372m d’altitude et il n’y a aucun arbre, le sentier évolue entre les rochers tombés des sommets alentours.

Arrivés au refuge de Tête Rousse, nous nous équipons : guêtres, crampons, baudriers, piolets. Les guides nous encordent, avec un guide pour deux alpinistes, nous sommes donc trois par cordée. Les unes après les autres, les cordées s’élancent sur la neige.

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Un panorama dégagé pour une bonne visibilité !

 

Nous arrivons au couloir du Goûter, aussi appelé couloir de la Mort à cause des nombreuses chutes de pierres. Il s’agit d’un grand couloir de neige extrêmement raide, au-dessus duquel se trouve un promontoire rocheux. Régulièrement, des pierres tombent et roulent tout le long du couloir. Il s’agit donc de traverser sans traîner. Nous pouvons compter sur le savoir-faire des guides et traversons sans encombre. La cordée de Louis et Tristan aura eu une belle frayeur: alors qu’ils s’élancent pour traverser, on entend le son tant redouté d’une pierre qui roule puis un alpiniste crier « PIERRE ! ». Le couloir étant lisse, les pierres tombent de façon rectiligne, aussi le guide immobilise la cordée. Ils regardent la trajectoire, et se décalent pour laisser passer le bloc entre eux. Quel sans froid !

Nous entamons alors la longue arête très technique jusqu’au refuge du Goûter. Ici, pas de neige, nous enlevons les crampons. L’ascension est ponctuée de passages où il faut s’aider des mains. Ce passage est magnifique !

Nous faisons particulièrement attention à ne pas faire tomber de pierres car il y a du monde en dessous.

 

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Le couloir de la mort

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Montée en file indienne

 

Arrivés au sommet de l’arête, nous trouvons l’ancien refuge du Goûter. Le passage rocheux est terminé, nous remettons les crampons afin de traverser la dernière longueur jusqu’au nouveau refuge.

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Arrivée au 1er refuge du Goûter

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Le brouillard s’est levé nous ne pouvons profiter du paysage, le décor devient surréaliste.

Le chemin est balisé : une corde nous empêche de dériver sur la droite, ce serait la chute !

 

Nous y sommes : le nouveau refuge du Goûter, construit en 2012, est un vrai palace ! Couettes, oreillers… Les lits nous attendent. La salle à manger grouille d’alpinistes, chacun se salue, nous retrouvons les membres du groupe qui arrivent au fur et à mesure. Chacun raconte sa montée, son ressenti… Tout le monde est en forme et plein d’enthousiasme pour la suite de l’ascension le lendemain.

Hélène  est là déjà, elle a réussi l’ascension de tête Rousse au Goûter en 7 heures ! Vu la technicité de la montée, c’est une prouesse d’avoir pu faire ça avec une prothèse ! Tout le monde la félicite, BRAVO MéMé !!

Il est environ 15h et le dîner est servi à 18h30. Nous montons dans le dortoir et nous installons pour la nuit. Certains font la sieste, d’autres préfèrent lire, jouer aux cartes ou aux échecs. Une barre de traction a été installée dans la salle à manger et c’est Matthieu qui battra le record avec 21 tractions ! Il est utile de préciser ici que nous sommes à  3 800 m d’altitude et que l’hypoxie se fait sentir. Il faut plusieurs minutes pour récupérer son souffle après cet effort !

18h30, tout le monde se réunit pour dîner

18h30, tout le monde se réunit pour dîner

Au menu, soupe, semoule et cuisses de poulet puis dessert maison !

Nous nous régalons ! Le repas est animé, tout le monde est impatient – et un peu anxieux – de tenter le sommet le lendemain.

Après le repas, nous préparons nos sacs puis nous allons nous coucher, il est 20h. Le petit déjeuner est servi à 2h du matin. Il est bien difficile de trouver le sommeil, pour beaucoup il est agité et ponctué de réveils… A 22h, le soleil se couche, Guillaume et Laura se lèvent et décident d’immortaliser l’instant en prenant des photos. Nous tachons de rester le plus discrets possible car le dortoir est une immense pièce et tout le monde dort essaye de dormir.

La nuit sera courte !

Dernière Ascension : 28 juin

A 1h40, un réveil sonne, chacun émerge le plus discrètement possible car certains dorment encore. Nous descendons prendre le petit déjeuner.

Tout le monde arrive à table, le manque de sommeil se lit sur les visages mais la perspective de ce qui nous attend le balaye bien vite. Seule Clémence a mauvaise mine… Les guides vont la voir, elle décrit ses symptômes : mal de tête, barbouillée. Elle fait un mal des montagnes. Ca s’annonce mal pour elle, mais elle décide de tenter quand même l’ascension. Notre guide accepte mais la prévient : si son état empire, c’est demi-tour sans tarder.

Nous nous préparons donc à partir. Le refuge tout entier s’agite, les alpinistes font leur sac, s’équipent, rangent les dortoirs… Puis au fur et à mesure, les cordées s’élancent dans la nuit.

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Départ en pleine nuit

 

Nous avançons très doucement, Clémence va vraiment très mal… Elle ne dit rien mais je vois qu’elle avance péniblement. Notre guide la soutient en adaptant le rythme et en prenant régulièrement de ses nouvelles.

A la vitesse à laquelle nous marchons, j’ai le temps d’admirer le paysage… ! Ou du moins, ce que j’en devine : les étoiles masquées par le soleil, c’est la silhouette d’un sommet. Je ne cesse de regarder en haut, une ligne quasi continue d’alpinistes, chacun avec sa frontale, dessine la trace que nous suivrons jusqu’au sommet. C’est un moment incroyable, un mélange d’excitation, de joie, de fatigue… J’espère que Clémence ira jusqu’en haut, elle qui tenait tant à ce projet… Et aussi parce que si elle redescend, toute la cordée redescend…

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Tandis que nous avançons, le soleil se lève petit à petit, c’est à couper le souffle ! La photo révèle mal la beauté de cet instant…

Toujours aussi péniblement, nous atteignons l’observatoire Vallot : 4 362m d’altitude. Le vent commence à souffler, il est glacial, mais nous sommes bien couverts et c’est supportable. Clémence a tenu jusqu’ici, mais elle doit s’arrêter, trop mal pour continuer. Notre guide lui propose à boire, à manger, mais rien ne la tente, elle a l’estomac noué. Finalement, elle vomit tout son diner et le peu qu’elle avait pu avaler ce matin. Je me dis que c’est fini, qu’après ça elle ne pourra pas continuer… Mais elle relève la tête nous dit que ça va mieux. Notre guide décide de rentrer dans la cabane pour se reposer quelques minutes.

A l’intérieur, c’est l’apocalypse : des bouts de couverture de survie découpés par des coups de crampons jonchent le sol, des alpinistes mal en point sont assis, un homme est prostré dans un coin, nous nous asseyons près de lui. A force d’attendre sans bouger, je commence à avoir très froid aux orteils, je tente tant bien que mal de les bouger pour faire circuler le sang.

Un guide s’approche de nous et demande à notre guide s’il accepte de descendre une cliente qui est dans le même état que Clémence. Nous décidons de repartir à deux cordées, et s’il faut redescendre, nous réorganiserons les cordées : Clémence et la cliente mal en point redescendraient avec un guide, et je continuerais avec le second alpiniste et l’autre guide.

En sortant du refuge, nous croisons Ange et son guide qui font demi-tour. Le vent est trop fort et Ange ne se sent pas bien. Nous repartons plus lentement que jamais. Le sommet nous tend les doigts et je trépigne d’avancer si lentement. La trace monte le long d’une arête et nous sommes exposés au vent, qui nous fouette le visage. C’est à cette altitude qu’Hélène a dû faire demi-tour, tant le vent la déséquilibrait. Son courage et sa détermination force notre admiration et notre respect.

Péniblement, nous gravissons les derniers mètres, nous croisons les cordées du reste du groupe, tous ont atteint le sommet, visage radieux, ils nous encouragent chaleureusement ! La cliente mal en point tient bon elle aussi, et finalement la cordée finit par nous distancer.

Cette dernière partie nous parait interminable, les « deux bosses » sont bien mal nommées, c’est loin d’être des simples bosses ! Finalement, nous arrivons sur la dernière arête. Lorsque je relève la tête pour m’en rendre compte, l’émotion me saisit et je commence à pleurer de joie, de soulagement… Nous franchissons la dernière longueur et nous y sommes : le toit des Alpes !

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Notre guide se retourne et lève la main, nous la tapons fièrement. Clémence pleure elle aussi. Puis nous nous abritons du vent en descendant légèrement. Nous mangeons une barre de céréales et buvons un peu de thé chaud. Puis nous nous préparons à partir. Le temps de prendre quelques photos et nous amorçons notre descente. La cordée que nous suivons depuis Vallot est là, eux aussi ont réussi.

Nous avons dû passer 10 min au sommet avant de repartir.

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Clémence est toujours assez mal en point et je passe en tête. Je descends le plus lentement possible, ajustant ma vitesse à la tension de la corde : je ne dois pas tirer pour ne pas déséquilibrer Clémence, ni la laisser pendre car elle risque de s’y prendre les pieds. Notre guide ferme la marche, prêt à nous rattraper en cas de chute. Mais l’heure tourne, plus nous traversons tard le couloir de la Mort plus les pierres tombent, aussi veut-il presser le pas. A plusieurs reprises il nous dit d’accélérer. Je suis pris entre le guide qui me presse et Clémence, que je sens peiner derrière moi.

Nous atteignons l’observatoire Vallot, où nous faisons une pause. Un groupe de 3 alpinistes arrive, skis sur le dos. Eux aussi s’abritent du vent et voyant Clémence, l’un deux sort généreusement une cannette de Coca de sa poche. En plein effort, la solidarité règne. Ce geste de partage nous réconforte.

La descente reprend, le soleil tape et la température monte : pas le moindre nuage à l’horizon ! Nous descendons droit dans la pente. Après une cassure du terrain, nous découvrons Hélène qui redescend elle aussi ! Elle nous raconte jusqu’où elle est montée, nous la félicitons vivement ! Son guide, qui l’accompagne depuis 2 jours est à ses côtés. Merci David pour ton soutien !

Nous profitons de cet arrêt pour prendre les doudous en photo. Ils trônent fièrement sur nos sacs depuis le début de l’ascension. A chacune de nos sorties, nous les photographions pour nos filleuls hospitalisés :

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Toutes les peluches ont été photographié !

 

Nous finissons la descente jusqu’au refuge du Goûter, où nous prenons 20 bonnes minutes pour manger, boire et refaire les sacs avant d’entreprendre la fin de la descente.

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En route pour la descente

 

Nous nous remettons en route, Clémence va mieux, manger lui a fait du bien et perdre de l’altitude à diminuer son mal de tête. La descente technique commence : toute l’arête qui longe le couloir de la Mort. Avec la fatigue, nous restons vigilants, car la chute est fatale ici. Notre guide nous assure tout le long de la descente et nous évoluons aussi vite que possible.

Au tiers de la descente notre guide s’écrie : « Stop ! Asseyez-vous ! » . Sa voix pleine d’angoisse nous plonge dans le drame qui se déroule sous nos yeux impuissants : après avoir dévissé du haut du couloir, une alpiniste dévale la pente, incapable de stopper sa chute. Notre guide alerte immédiatement les secours.

Nous sommes terriblement secoués… Notre guide nous aide à repartir, apaisés et plus vigilants que jamais. Leçon dure et forte : la Montagne nous fascine, mais pour partager sa beauté, nous devons admettre notre vulnérabilité, ses dangers et toujours respecter les règles de sécurité.

La fin de notre descente se déroulée sans encombre, nous rejoignons le reste de groupe au refuge de Tête Rousse, enlevons les crampons, les cordes, les baudriers, rangeons les piolets sur les sacs et entamons la dernière partie de notre périple.

Nous avons eu le plaisir de croiser des bouquetins avant de rejoindre le nid d’aigle, comme un dernier cadeau de la montagne avant que nous rentrions à Lyon, dans un décor bien différent !

 

 

Epilogue

Cette expérience restera à jamais dans ma mémoire, le Mont Blanc n’est pas seulement le toit des Alpes, c’est un rêve d’enfant et un aboutissement personnel. Vivre ces instants avec le groupe a créé des liens forts entre nous. S’imposer ces épreuves peut dérouter certains, je serais bien en peine d’expliquer ce qui nous pousse à nous dépasser de la sorte… Mais l’émotion que l’on ressent lorsqu’on a « vaincu » un sommet, la joie, la fierté, l’adrénaline… Il s’agit autant d’une ascension intérieure que d’une épreuve physique !

Etre responsable du projet m’aura demandé un temps considérable tout au long de l’année, mais je suis très heureux de l’avoir fait. J’ai pu apprendre une multitude de choses qu’on ne verra jamais sur les bancs de la fac : comment gérer une équipe, motiver les uns et les autres, exploiter les compétences de chacun… Une véritable formation pour ma vie professionnelle future !

Mais cette aventure n’aurait pu avoir lieu sans le savoir faire et les compétences de nos guides. Ils ont su nous épauler et nous guider à chaque étape de l’aventure afin de la mener jusqu’au bout. Je tiens ici à les remercier chaleureusement pour leur travail !

Je tiens également à remercier tous nos sponsors pour leur aide. Il va sans dire que sans eux non plus, nous n’aurions pu réaliser ce projet.

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Le sommet est acquis pour nous désormais, mais l’aventure ne s’arrête pas là ! Nous vous invitons en septembre pour voir nos plus belles photos affichées dans le campus. D’ici là, passez un bel été, faites du sport et vive la Montagne !

Thomas

Le projet Mont Blanc 2015 en chiffres :

  • 5 jours en montagne
  • 14 étudiants valides et 1 adulte amputée du tibia
  • 1 enseignant du Service Universitaire de Activités Physiques et Sportives
  • 9 guides
  • Un budget de 17 000 €
  • Le soutien financier de l’Université Claude Bernard Lyon1 et de nos sponsors privés.
  • 4h d’entrainement physique hebdomadaire minimum
  • 9 réunions d’organisation.
  • 683 mails de demande de sponsors (environ !)
  • Des heures et des heures de travail pour l’administration de l’Association Sportive.