Je commencerais ce récit par une citation qu’un des membres du projet et maintenant ami aimait souvent répéter : “Nous commençons réellement à vivre que lorsque nous sortons de notre zone de confort”.

Nous somme le 13 Septembre 2018. Il est 21h, je prépare mon sac à dos pour l’une des aventures les plus intenses de ma vie. Je vérifie que je n’ai rien oublié : pantalon d’alpinisme, multiples paires de gants, chaussettes, nourriture, lunettes de soleil, bonnet et de multiples couches de vêtements, etc, c’est bon ! Je me mets au lit avec l’espoir de trouver le sommeil avant le week-end qui m’attend. Malheureusement, je crois que mon taux d’adrénaline est un peu trop élevé. Je suis tellement impatient et en même temps stressé que ce n’est qu’aux alentours de 3 heures du matin que je m’endors.

            Il est 7 heures et mon réveil sonne, les émotions de la veille ne s’étant pas calmées, c’est sans problème que je me lève et me prépare pour rejoindre mes camarades.

Je retrouve ainsi Léo, Alain et Quentin au point de ralliement qu’est le campus Rockefeller où nous quatre étudions. Aujourd’hui et comme souvent, Léo sera chauffeur, accompagné de sa fidèle Ford Focus verte. Nous voyons d’ailleurs qu’il prend ce rôle très à coeur en respectant les signalisations. Mais trêve de bavardage, l’heure est aux derniers préparatifs avant l’embarquement et le décollage vers le Mont Blanc. Après un trajet, alternant phases de repos et d’animation, de 2h durant lequel nous préparons nos pieds avec des bandes, du talc ou encore des pansements, nous arrivons dans la vallée des Houches où nous attendent Pat, Lisa et Didier.

A peine le temps de se dire bonjour et d’apprécier cette pause que les guides nous rejoignent. Pas non plus le temps de se poser autour d’un café pour faire connaissance, nous sommes tous impatients. Les guides nous fournissent donc les derniers éléments matériels dont nous aurons besoin, c’est-à-dire les casques, piolets et baudriers. Quelques derniers préparatifs visant à optimiser notre bagage et nous partons ! Enfin, nous partons vers le téléphérique ! Et oui, avant d’entamer cette longue marche, nous prenons tout d’abord le téléphérique de Bellevue, qui nous permet d’atteindre la Gare de Bellevue. Le voyage dans cette petite cabine est fort appréciable. En effet, malgré le fait que nous soyons à l’étroit avec quelques cyclistes, nous commençons déjà, et sans effort, à réduire le dénivelé entre le sommet et nous.

C’est une fois arrivés à la gare que nous prendrons le temps de manger et de nous « reposer » avant cette épreuve qui nous attend. Et cette épreuve attendra encore un peu, car c’est maintenant le train que nous prenons, le train du Mont Blanc qui va nous permettre d’atteindre les alentours du Nid d’Aigle (2372m), premier refuge de cette montagne faramineuse. Dans ce transport, nous rencontrons un couple accompagné d’un guide qui ont le même itinéraire que nous et qui nous accompagneront au cours de cette aventure.
Après tous ces transports facilités, nous entamons une marche d’environ 2 heures à travers des chemins remplis de roche, souvent rougeâtre. Le paysage est sauvage et paraît dur. Les crêtes vers lesquelles nous passons sont en forme de scie. Après une heure de marche, la verdure très peu présente laisse place à des roches et de la terre. Nous sommes aux alentours de la cabane des Rognes. Pas de faune sauvage en vue, nous sentons que nous approchons d’un lieu non dédié à la vie.

Le chemin se poursuit sur une crête, que nous nous efforçons de suivre. La route est très rocailleuse et il est facile de glisser sur une mauvaise pierre. Nous arrivons ensuite sur une petite cabane dédiée à la surveillance policière, qui donne directement sur notre objectif du jour : le refuge de Tête Rousse (3167m) !

De là, nous traversons un ruisseau gelé entouré de neiges où se trouvent plusieurs balises rouges. Ces dernières, d’après les guides, marquent l’emplacement d’une poche d’eau capable de submerger les villes de la vallée en moins de 30 minutes, à la fois impressionnant et effrayant.

Nous pénétrons dans le refuge, où une douce odeur de soupe de légumes et une sensation de chaleur vont nous accueillir. Nous retirons nos chaussures, rangeons nos affaires puis nous nous rendons dans nos chambres afin de les déposer. Il est à peine 17 heures lorsque arrivons mais le refuge est déjà plein. L’intérieur du refuge est chaleureux, la pièce commune où nous mangerons est décorée de bois, des tables sont placées partout et le rendu est assez rustique mais agréable. Tout le strict minimum est présent. Ne comptez en revanche pas sur de l’eau courante ou de l’électricité, tout ceci n’est que fioriture en refuge. L’ambiance est assez particulière, la plupart des résidents sont motivés et enthousiastes, et ont aussi comme objectif le sommet mais la vue du tristement célèbre couloir du Goûter depuis le refuge nous rappelle à tous que cette ascension n’est pas sans risque. Nous profitons de ces instants de répit pour jouer aux cartes, discuter ou encore nous motiver les uns les autres pour cette course. Nous répartissons les étudiants et guides pour former les cordées. Je serais donc avec le guide Laurent et Pat, qu’on appelle entre nous « La Locomotive ».

Après un repas riche en soupe de lentilles et en jeux de cartes, nous nous couchons dans le dortoir que nous partageons avec 8 autres alpinistes. Dortoir qui n’est pas chauffé par les méthodes conventionnelles et dans lequel nous avons froid au début de la nuit mais qui va vite se tempérer par la chaleur humaine.

Pas le temps de laisser le réveil sonner, car aujourd’hui c’est le grand jour ! Après une nuit très courte, nous nous réveillons à 5h et nous commençons à nous agiter pour finaliser nos sacs ! Après un petit déjeuner très léger, nous partons pour le sommet ! Heure du départ 5h45 ! Lancés dans l’abîme de la nuit noire, nous nous éclairons à l’aide de nos lampes frontales. Après à peine 15min de marche, nous nous encordons pour traverser le Couloir du Goûter. Ce couloir est réputé dangereux principalement à cause du risque de chutes de pierres qui y règne, mais nous avons mis toutes les chances de notre côté : en partant tôt, nous bénéficions du regel matinal et les pierres restent alors bloquées dans la glace, diminuant fortement la probabilité qu’une pierre nous tombe dessus. Trente secondes plus tard, le couloir est de l’histoire ancienne, maintenant il va falloir se concentrer sur l’ascension de l’arête du Goûter où nos compétences d’escalade, certes très limitées pour certains dont moi-même, vont être mises à l’épreuve. Nous enchainons donc des phases d’escalade et de petite marche pour arriver à l’ancien refuge du Goûter, au sommet de l’arête. Celui-ci est désaffecté et ne sert qu’en cas d’urgence.

Après avoir cramponné et marché quelques mètres dans la neige, nous voilà au véritable et moderne refuge du Goûter (3835m). Celui-ci est similaire à un vaisseau spatial qui se serait posé au bord d’un gouffre.

A l’intérieur, les alpinistes pullulent comme dans une fourmilière. Tous veulent prendre une pause et vider encore un peu plus leur sac afin d’être légers pour la dernière ligne droite. Après 40 minutes de pause, nous repartons à l’assaut ! Première étape, gravir la calotte glaciaire haute d’une vingtaine de mètres surplombant le refuge pour rejoindre l’arête. Ensuite, nous suivons cette arête pour rejoindre les pentes du Dôme du Goûter (4304m) où la sensation d’ascension est maximale. Je pourrais presque croire que ce dôme est le sommet tellement il nous cache le véritable. Nous atteignons donc ce pseudo-sommet après 2h de marche en lacets durant laquelle je fais attention à gérer mon souffle et ceci sans trop de difficultés.

Arrivés au-dessus de ce dôme, nous redescendons quelques mètres pour nous attaquer à la pente d’environ 100 mètres de dénivelé précédant le refuge Vallot (4362m). Celle-ci est vraiment épuisante, très raide et les lacets ne réduisent que légèrement la difficulté. L’effort mais aussi la motivation sont intenses, d’autant plus que le guide Laurent nous explique que c’est en général ici que les tentatives se soldent d’un échec. Je ne prends plus autant le temps de regarder le paysage, je me concentre sur mon souffle et mon corps. A hauteur du refuge, nous prenons une pause bien méritée de quelques bonnes minutes afin de nous préparer à encore quelques heures de marche à une altitude où l’oxygène se fait rare.

Nous nous engageons donc sur l’arête des Bosses, dernière avant le sommet, épuisante et alternant des phases très raides et de descente très frustrantes. Je m’essouffle beaucoup et prends beaucoup de petites pauses, d’autant plus que je commence à sentir des douleurs de type courbature à la cuisse droite, sûrement à cause du dernier entraînement de la semaine dernière. Néanmoins, Pat et Laurent continuent de m’encourager et m’invitent à me reposer si nécessaire. La sensation d’altitude commence vraiment à se faire sentir, c’est comme si j’étais en essoufflement permanent, les pauses ne me permettent pas de reprendre mon souffle, peu importe leur durée. L’effort est maximal, le paysage est époustouflant. Après un passage effilé et dangereux où nous devons presque mettre nos pieds joints, je décide de prendre une pause et, cette fois-ci, de m’asseoir, à 4600m. Laurent, voyant que je faiblis, me force à me dépasser et à me relever pour terminer cette ascension. Nous repartons ainsi, sans plus nous arrêter.

 Quelques marches creusées dans la neige et nous voilà sur une plateforme neigeuse, dominant les alentours et nous élevant ainsi au sommet de l’Europe. Bienvenue sur le sommet du Mont Blanc (4808m). Pas de vent, le soleil nous éblouit et les nuages sont de toute façon sous notre altitude. La vue est incroyable, nous emplit de satisfaction mais également d’humilité face à la grandeur des alentours.

Nous arrivons ainsi aux alentours de 12h30, 6h45 après notre départ de Tête Rousse. L’ambiance et le paysage sont exceptionnels ! Tous fêtent leur victoire avec leur équipe et prennent des photos du panorama à couper le souffle, littéralement…

Après 30 minutes à attendre nos camarades en vain, nous entamons une descente rapide vers le refuge du Goûter. Cette fois-ci nous en profitons pour admirer le paysage incroyable, dénué de toute vie et mêlant une alternance de glaciers et de crevasses sur notre droite, et de gouffres sur notre gauche avec le glacier et l’aiguille de Bionnassay, réservée aux alpinistes les plus expérimentés. Les signes d’essoufflement, de fatigue ou encore de maux de têtes acquis en altitude disparaissent et nous permettant d’apprécier encore plus notre exploit et le cadre dans lequel nous l’avons réalisé.

 Après à peine 2h de descente, nous voici arrivés au refuge du Goûter où nous attendent déjà Alain et Quentin. L’ambiance est géniale, quelque peu limitée par la fatigue de tous. Nous sommes plus détendus et nous apprécions beaucoup plus notre nuit en refuge. Nous célébrons notre victoire dans la félicitations mutuelle et la bonne humeur.

Le lendemain, le réveil est beaucoup plus doux, à 7h. Cette fois-ci nous prenons notre temps car seulement 2h de marche nous attendent. La désescalade se fait sans problème, avec un bon rythme régulier. Le passage du couloir également. Nous récupérons quelques affaires à Tête Rousse et nous voilà en bas, à attendre le train tout en célébrant le week-end que nous venons de passer !

Chacun et chacune sont épuisés mais tellement heureux de l’aventure que nous venons de mener et que nous avons préparée depuis un an. Néanmoins, nous ne pouvons nous empêcher de penser à nos camarades, qu’ils aient été au bout de ce projet ou pas. Malgré les divergences d’opinions, malgré la pression que chacun a reçue, malgré les contraintes, mais surtout pour votre investissement, pour votre positivité ou encore pour votre simple présence, je vous remercie car chacun d’entre vous a été et est encore une pièce du puzzle qu’est cette réussite.

A Coralie, Nicolas, Laura, Léa, Paul, Romain, Inès, Jean-Clément, Clément, Marta, Nina, Takoi et Bertrand qui n’ont pas pu nous accompagner.

Encore bravo et merci à Lisa, Quentin, Didier, Léo, Alain, Pat, Loïs, Hamed, Emilie, Antoine, Yohann, Mehdi, Guillaume et Pierre pour leur aventure et leur investissement.

Et un grand merci de ma part à Pat, Alain, Hamed, Nicolas et Pierre qui ont su m’aider personnellement et m’ont permis d’aller au bout.